Nu. Je suis nu devant toi. On est pareil, juste à l'envers l'un de l'autre. Tu me connais mieux que quiconque, depuis le temps. Je ne me souviens même plus de notre rencontre, mais on ne s'est plus quitté. Tu m'as vu grandir, changer au fil des années. Ma stature qui s'allonge, s'élargit, se structure. Mes cheveux pousser, tomber, pousser à nouveau. Mes rires, mes doutes, mes pleurs. Tout, tu sais tout de moi.
L'eau coule. Froide. Je sens encore ton regard sur moi. Tu me détailles. Du dégoût ? Oui n'est-ce pas ? Je sens aussi de la pitié. Forcément. Arrête de descendre, tu sais à quel point je n'aime pas. Je ferme les yeux, je ne peux pas voir. Ton regard est si lourd de jugement. La cicatrice hein ? Je sais ce que tu en penses. Et je vais recommencer, tu ne m'arrêteras pas.
Tiède. Tu ne m'aimes pas hein ? Moi non plus, et c'est mieux comme ça. Après tout, aucun contact entre nous n'est possible. Toujours cette barrière entre nous. Je me demande ce que ça me ferait d'être de ton côté, toujours à me regarder en silence. Fixe mon regard maintenant. Tu vois la détermination ? Je vais partir un peu, ça me fera du bien.
Chaude. Enfin. Un pied. Deux pieds. Ça brûle. Je m'assois délicatement. M'enfouis dans cette masse liquide. Seule ta tête dépasse. Le reste est trouble. Peu importe, tu assisteras quand même. Mes amis sont là. Regarde. Un baiser du premier. Attends un peu, ça va faire effet très vite. Voilààà ! Vois comment mon visage se détend, comment la paix m'envahit et comment mes limites s'effondrent. Un nuage de coton a remplacé mon cerveau.
Oui, tu peux me haïr, mais ça ne changera rien. Tu mourras. Je me sens tellement confiant. Après la douleur, c'est bon signe, non ? Comment je me suis senti ? L'impression qu'Il avait pris mon coeur palpitant de désespoir, qu'Il l'avait arraché en brisant mes côtes, me laissant ensanglé sur un trottoir pluvieux, et qu'Il l'avait balancé à travers le long couloir de chez moi pour le faire s'éclater sur la porte de ma chambre. Tu dois te rappeler de ma chambre non ?
C'est là que tout a commencé. Pour moi, tout a toujours commencé dans une chambre. Et tout s'est toujours fini dans une chambre. Pas aujourd'hui. Pour toi et moi, ce sera ici. Ce sera maintenant. Elle glisse sur nos peaux, joue avec nous. Tu sens la fin arriver ? Moi oui, et j'aime ça. Pour une fois, je sais où mes pas me mènent. Loin de ma forêt de souvenirs, de tout rêve, fantasme ou cauchemar. Loin de la maladie, du sexe, de l'espoir, de la dépression, de l'amour. Loin de tout. Ce soir, c'est juste entre nous.
On dirait du déjà vu pourtant, non ? Normal que tu penses ça, c'est pas la première fois. 15 mois. Je m'en rappelle comme si c'était hier. Ma première tentative de meurtre. Un échec. Un soupçon d'espoir. Et puis ça a continué. Déception, envie de te tuer, espoir, échec. Mais là, j'ai plus d'espoir. Tu m'as tellement déçu. T'auras pas d'autre chance.
Elle s'élève, transperce l'air, s'abat. Tiens, prends ça ! Prends ça ! Hurle ! Souffre ! Déchire-toi ! Crie ta douleur ! T'as mal ?! Vengeance. T'as fait souffrir tellement de monde par tes conneries ! Souffre à ton tour ! SOUFFRE ! Tu saignes ? Comme mon coeur. Je ne te le pardonnerai jamais.
Une vibration. Un son. Le temps s'arrête, suspend les larmes rouges des corps humides.
« Je t'aime. »
Les larmes s'éclaircissent. Une lumière s'allume. Ce sera pour une autre fois.
AilleursBetterStronger, Posté le jeudi 25 avril 2013 12:08
Violent et si bien écrit. Percutant.